Tuesday, May 5, 2009

Fête du travail au Cambodge : les syndicats autorisés à descendre dans la rue

Par Duong Sokha et Stéphanie Gée
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01-05-2009

1er mai - Phnom Penh ©Vandy Rattana

Phnom Penh (Cambodge), le 1er mai 2009. Plus d'un millier d'ouvriers d'usines de confection textile se sont rassemblés devant l'ancien bâtiment de l'Assemblée nationale, avant de converger sur le lieu où le leader syndical Chea Vichea fut assassiné
©Vandy Rattana

Quelque 1 500 travailleurs de la capitale cambodgienne, ouvrières de la confection textile en tête, ont répondu à l'appel de sept syndicats pour aller porter dans la rue leurs revendications en cette 123e Journée internationale du travail, assombrie par la crise économique mondiale dont les effets commencent à se faire sentir dans le royaume. Une fois n'est pas coutume, les représentants des forces de l'ordre étaient en retrait et moins armées qu'à l'habitude. La foule bigarrée de manifestants a pu marcher, sans encombre et sous un soleil de plomb, de l'ancien siège de l'Assemblée nationale vers le nouvel édifice hébergeant les députés, avant de repartir au carrefour du boulevard Sihanouk et de la rue Pasteur rendre un hommage au "héros des ouvriers", Chea Vichea, tombé sous les balles d'inconnus le 22 janvier 2004.


Un 1er mai enfin fêté
Les célébrations du 1er mai au Cambodge sont presque passées inaperçues les deux dernières années, réduites à l'état de communiqués de presse et de réunions dans les murs des syndicats. La fréquente répression des rassemblements publics par les autorités et le déploiement d'importants dispositifs policiers dans la capitale à chaque 1er mai dissuadaient les syndicats d'appeler à de grandes manifestations.

En 2008, refroidi par une imposante présence policière, le leader d'opposition Sam Rainsy renonce à organiser une grande marche impromptue comme il l'avait tout d'abord annoncé. Avec une centaine de supporters, il réussit à accéder au kiosque où Chea Vichea a été assassiné, puis se résout à se replier avec ses troupes au siège de son parti.

En 2007, le Syndicat indépendant des ouvriers du royaume du Cambodge (Siorc), que dirigeait Chea Vichea, renonce à marquer le 1er mai par une traditionnelle marche, par crainte de la répression, expliquent ses dirigeants. Seule l'Union démocratique de la confédération des ouvriers du textile cambodgiens (CCAWDU) organise un modeste rassemblement au centre de la capitale, qui se retrouve sous étroite surveillance policière.

En 2006, les ouvriers bravent l'interdiction de la municipalité de Phnom Penh et se présentent par camions à ses portes, où ils sont le plus souvent accueillis par d'imperméables barrages policiers. Chea Mony, qui a succédé à son frère Chea Vichea à la tête du Siorc, est interpellé pour cause de trouble de l'ordre public et interrogé deux heures durant dans un commissariat. Tous les stratagèmes sont utilisés pour défier la vigilance de la police, et les rangs des manifestants grossissent, lesquels seront finalement autorisés à marcher.

Cette année 2009 aura dont fait exception.

Parmi les revendications, la création d'un tribunal du travail
Les syndicats organisateurs, parmi lesquels les puissants CCAWDU et l'Union de la confédération du Cambodge, qui regroupe le Siorc et l'AIEC (Association indépendante des enseignants du Cambodge), ont énuméré, au micro et sous les vivats des manifestants, dix points de revendication. Quelques nouveaux thèmes se sont invités dans la liste des appels habituellement lancés par les représentants des ouvriers.

Ainsi, les syndicats demandent au gouvernement de mettre sur pied, au plus vite, un tribunal du travail "pour défendre les intérêts des ouvriers" car, comme le justifie Chea Mony dans son discours, "nous ne faisons pas confiance aux tribunaux réguliers". Et ils ajoutent la nécessité à ce que les conflits du travail soient jugés "de manière rapide et juste". Autre requête qu'ils appuient auprès des instances dirigeantes, empêcher toute tentative d'amendements des articles 67 et 73 du Code du travail, relatifs aux contrats de travail, et qui porteraient, selon eux, atteinte aux droits des employés. Enfin, climat de récession économique oblige, ils appellent le gouvernement à stimuler le marché de l'emploi et à améliorer les conditions de travail dans tous les secteurs.

Au rang des revendications plus "classiques" : que le titre de "héros des ouvriers" soit octroyé de manière posthume à Chea Vichea et qu'une statue à son effigie lui soit érigée à l'endroit même où il fut tué, que la semaine de travail passe de 48 à 44 heures pour s'aligner davantage sur ce qui est pratiqué ailleurs, que les chefs d'entreprise soient soumis à l'obligation de verser un dépôt de garantie qui servirait de fonds d'indemnisation pour les salariés en cas de fermeture, que les licenciements abusifs de syndicalistes cessent, et encore, que le gouvernement mette fin aux discriminations à l'égard des syndicalistes et respecte la liberté d'association.

Un rassemblement sur fond de crise économique
Sur les innombrables banderoles brandies par les jeunes manifestants se lisaient les inquiétudes des principaux secteurs, que ce soit l'industrie de la confection textile, l'agriculture, la construction ou encore les transports.

Une fois le point de destination atteint, les syndicats ont confié leurs doléances aux députés de l'opposition, dont trois des figures de proue se sont succédé à une tribune improvisée à l'arrière d'une camionnette : Sam Rainsy, l'élue de son parti Mu Sochua et Kem Sokha, le président du Parti des droits de l'Homme. Le premier n'a pas manqué de rappelé aux manifestants avoir demandé au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour lutter contre la récession économique et lui avoir suggéré d'adopter un package de 500 millions de dollars pour stimuler le marché de l'emploi "alors que d'autres poussent les ouvriers à retourner chez eux travailler la terre", a-t-il glissé dans une référence à peine voilée à des propos tenus par le Premier ministre Hun Sen.





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